Ouvrir Couvrir
Paris, 2004
Ouvrir l’ancêtre, 2002. Technique mixte, 130 x 130 cm
Ouvrir Couvrir, 2002. Technique mixte, 162 x 130 cm
Vénus-papillon, 2003, 162 x 130cm
L’habit de l’autre, 2003, 200 x 200 cm
Corps ouvert d’après Vésale, 162 x 130 cm
Perspective Vésale, 2002. Empreinte sur verre, 130 x 30 cm
Vésale PVC, 2002, 130 x 130 cm
Anatomie urbaine, 2003, 200 x 200 cm
Jérusalem mentale, triptyque, 2005
Empreinte Vésale sur verre, 130 x 130 cm




Les historiens et les philosophes ont toujours étudié les œuvres d'art. Cette fois, c'est à une artiste, Jessica Vaturi, que s'impose la nécessité d'interroger des intellectuels pour élucider sa propre expérience. L'inversion préside à l'initiative de ce livre. Dès lors la règle veut que chaque écrivain aborde le sujet – corps ouvert, corps couvert – dans l'axe et la cohérence de son propre mode d'investigation. De la diversité de ces approches, des effets de la juxtaposition des pratiques artistiques et de celles de la pensée, naît le pari de cet ouvrage.


Préface


Je suis peintre et plasticienne. À partir des planches anatomiques de la Renaissance, celles d’André Vésale et de l’imagerie médicale contemporaine, mon travail interroge les polarités face et envers, ouvrir-couvrir, dehors-dedans, dessus-dessous : la topographie des ramifications internes, des flux latents ou cachés.

Au cours de mes recherches des questions ont afflué mais les mots me manquent.

Les historiens et les philosophes ont toujours examiné les oeuvres d’art. Cette fois une artiste trouve la nécessité d’interpeller des intellectuels pour élucider sa propre pratique. Cette inversion préside à l’initiative de ce livre.

Qui ouvre, couvre le corps occidental et ses images? Dans quelles modalités? Dans quelles limites?

Le XVIᵉ siècle inaugure l’ère du corps-objet, de la dissection-spectacle et de la science rédemptrice. Pourquoi Vésale nous présente-t-il, dans le De humani corporis fabrica, une Vénus hybride : une statue pleine de viscères? Pourquoi sculpter des voiles sur des visages de marbre? Ou se couvrir de cendres? de sperme ? d’excréments?

Peindre sur ou sous toile, la traverser, ou se tatouer, se percer, se vêtir d’explosifs : d’où vient cette fascination violente, d’ouvrir, de s’ouvrir, de voir s’écouler l’ouvert? Qu’engendre le choix photographique-esthétique de synchroniser les déclics de l’obturateur et du détonateur?

Désormais l’oeil pénètre l’intérieur du vivant. Radiographie, scanographie, endoscopie, échographie tridimensionnelle, imagerie à résonance magnétique, « chaque jour, la France produit dix millions d’images de nos corps biologiques »¹. Comment s’approprier, incorporer cette déferlante d’images? Sommes-nous ces lieux fragmentés, inouïs que nous scrutons? « L’imagerie médicale, dernier avatar en date de la représentation, avec lequel s’introduit une autre expérience de l’intimité charnelle » constitue-t-elle pour la peinture, comme le pense Hubert Damisch, « un défi analogue à celui qu’a représenté, en son temps, la photographie »² ?

Quelles relations établir entre le droit à disséquer, la possibilité d’explorer in vivo, la faculté de manipuler le biologique, et la perception contemporaine du corps dans l’art?

— Jessica Vaturi-Dembo, 2004

¹ Monique Sicard, La Fabrique du regard
² Hubert Damisch, Voyage à Laversine


L’habit de l’enfance enfouie, 41x41cm (x4), quadriptyque

Couvrir, 30 x 18 cm
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